Le chapitre 6 d'Alter Ego est disponible sur le blog d'Utopia!

ALTER EGO

Chapitre 5

Il était près de quatre heures du matin lorsque Lou se réveilla. Le calme régnait dans le petit appartement, seul le moteur du frigo venait rompre ce silence dans un petit ronronnement. Les volets ouverts laissaient passer la pâle lumière de la Lune, elle se posait doucement sur les deux corps nus d’un homme et d’une femme. Lou s’adossa contre la tête de lit, le regard perdu dans les étoiles. Il repensait à la nuit qu’il venait de passer, Sandrine était toujours là, endormie telle une enfant. Allongée sur le ventre, ses mains de chaque côté de sa tête, sa main gauche, fermée en poing, était proche de sa bouche, elle affichait un visage doux et paisible. Le regard de Lou était toujours en train de scruter le ciel étoilé, lorsqu’il sentit une main lui frôler les cuisses, instinctivement il tourna la tête sur le côté et remarqua le visage endormi de Sandrine, les yeux un minimum ouverts, un sourire aux lèvres. Elle le regardait, voyageant entre le rêve et la réalité. Doucement, avant qu’elle ne parle, Lou se pencha sur elle et déposa délicatement ses lèvres sur son front, après avoir chassé quelques mèches de cheveux.

-Rendors-toi… je vais me mettre devant la télé.

Avant de continuer son rêve, la belle rousse lui fit un « oui » de la tête. Lou resta malgré tout encore une ou deux minutes, assis sur son lit à la regarder dormir.

-J’ai eu envie d’un homme alors que je t’ai toi… quelque chose cloche de plus en plus chez moi… murmura-t-il.

Il se leva enfin, saisit son boxer posé en vrac sur le sol, et partit en direction du salon. Assis, les jambes ramassées contre son buste, il regardait une émission télévisée, enfin « regardait »… il essayait tout du moins, son esprit toujours hanté par cet homme au collier.

Il resta là une bonne partie de la nuit avant de s’endormir sur le canapé. Le lendemain, Sandrine se leva la première, surprise de découvrir une place libre à ses côtés. Elle trouva Lou allongé sur le dos, une jambe et un bras ballant dans le vide. Sandrine s’approcha de Lou doucement et vient le tirer de son doux rêve, une main posée sur son ventre, elle lui murmura à l’oreille avant de l’embrasser :

-Debout mon cœur tu vas encore être en retard à ton lycée. Je rentre chez moi. Tu m’appelles ce soir ?

-Merci…

-Passe une bonne journée.

-Pareil…

Sandrine allait partir de l’appartement lorsqu’il vit un verre d’eau posé sur la table basse en bois, disposé entre la télévision et le canapé. De la tête, elle fit plusieurs fois le trajet entre Lou et le verre avant de s’en saisir. Elle se leva et se mit bien au dessus d’un Lou toujours endormi, le verre d’eau à la main. Elle le bascula en avant et arrosa son petit ami qui régit immédiatement. Lou se leva immédiatement au contact de l’eau froide coulant sur son torse nu, ses yeux, dirigés vers Sandrine, lançaient des éclairs.

-Putain mais t’es conne !

-Hey !! C’était trop tentant et te connaissant je savais que t’allais te recoucher. Allez soit pas fâché mon cœur c’est pour toi que j’ai fait ça.

-Mouais… bon bah maintenant que je suis trempé je vais prendre une douche. File avant que je te mette dessous en même temps !

-Je suis déjà partie !!

Effectivement Sandrine était déjà sur le seuil de la porte, elle lui envoya un baiser et partit le sourire aux lèvres, heureuse de son méfait.

Une fois sa douche finie, Lou avala en quatrième vitesse un léger petit déjeuner et partit à toute vitesse en direction de son lycée, en retard comme toujours. Heureusement pour lui, il arriva juste à temps, le gardien était en train de fermer les grilles, Lou le supplia d’accepter son entrée. Le gardien, soulignant qu’il était de bonne humeur ce jour-ci, le laissa passer comme si de rien n’était. Habituellement Lou se permettait de prendre un petit café avant d’attaquer ses journées mais là il monta directement à son cours d’histoire de l’art.

Lou entra dans la salle de cours, et curieusement il était le premier élève à s’y trouver. Saluant le professeur qui, lui, était déjà là depuis deux minutes, il partit retrouver sa table habituelle au fond de la classe près de la fenêtre et du radiateur. Les étudiants arrivèrent au compte goutte et s’installèrent à leur tour. Le cours d’aujourd’hui était consacré à la Renaissance Florentine. Dès les premiers instants Lou fut passionné par ce cours, il buvait les paroles de son professeur d’Histoire de l’art, et y participait énormément à la grande surprise de tous. Tout dans ce cours lui rappelait son rêve, le début de l’inquisition, les civils brûlés sur le bûcher lorsqu’ils enfreignaient les lois du clergé. Le cours passa trop vite au goût de Lou, n’étant pas assez rassasié de toutes ces informations sur cette époque, dès la fin du cours il prit son sac, le mit en bandoulière sur son épaule et partit d’un pas pressé vers la bibliothèque du lycée.

Il posa ses affaires sur une grande table qui fut très vite recouverte de nombreux livres parlant de cette époque. Il avait passé toute sa matinée à fouiller, séchant tout ses cours. Pour une fois ils étaient secondaires, cette histoire le rendait fou, il devait trouver les réponses à ses questions le plus vite possible, sinon il ne serait jamais tranquille, jamais il ne pourrait se sentir « bien ». Depuis tout petit il avait un sentiment de manque, ses parents avaient toujours essayé de le combler, le couvrant de cadeaux, de toutes formes d’attentions, mais jamais rien n’était arrivé à remplir ce vide au fond de lui. Même l’amour qu’ils lui portaient était insuffisant. Les réponses qu’il risquait de trouver allaient sûrement l’aider à vraiment avancer dans sa vie.

Il allait fermer le dernier livre lorsqu’il vit une étagère réservée aux archives, ses doigts le démangèrent d’aller y jeter un coup d’œil. Ni tenant plus, la curiosité d’en découvrir toujours plus, il se leva et choisit parmi ces boites le dossier qui l’intéressait « les familles importantes sous la Renaissance Florentine ». Il commençait à désespérer de ne rien trouver lorsqu’il tomba sur la lettre « M », une image vint immédiatement à ses yeux. Tout d’abord Lou crut qu’il rêvait une nouvelle fois, pour être certain qu’il ne dormait pas il se pinça le bras. Une grimace s’afficha directement sur son visage laiteux, il était bien éveillé, la gravure n’était pas un nouveau tour de son esprit tourmenté.

Le jeune homme blond commença à parcourir les quelques lignes écrites. Plusieurs mots restèrent dans sa mémoire, revenant assez souvent.

-Ce bijou existe réellement… il appartenait à une grande famille Russe ? Les Mikhaïlov… La lignée ne devrait pas être éteinte ?… Et merde comment je fais moi maintenant ?! Je peux pas aller en Russie pour regarder l’arbre généalogique. Fait chier !

-S’il vous plait jeune homme, faites moins de bruit.

Lou venait de parler à voix haute, ce qui dérangea plusieurs personnes se trouvant autour de lui. Il s’excusa, le visage fermé, et rangea les livres empruntés et partit chez lui. Il devait se changer les idées, ces informations lui avaient encore plus retourné l’esprit qu’il ne l’aurait pensé. Il se retrouva chez lui très vite, pour se détendre encore plus il partit prendre une douche rapide, ses idées toujours tournées vers cet homme mystérieux, qui devenait très dur à retrouver. Une fois sa douche finie, un jean pour simple vêtement, il se dirigea, les cheveux dégoulinants et relâché dans la nuque, vers son bureau. Il prit là plusieurs feuilles déjà imprimées, vérifia que ce qu’il y était inscrit dessus était toujours bon. Une fois sa vérification faite, il jeta un coup d’œil par la fenêtre et remarqua un beau ciel bleu ainsi qu’un soleil bien présent. Il partit vers son armoire, inspecta son contenu à la recherche d’un haut. Il jeta son dévolu sur un T-shirt blanc, un texte anglais écrit à l’encre noire, sans manches, laissant apparaître une partie de ses épaules finement musclées, ainsi qu’une tache de naissance en forme de croissant de Lune sur son épaule droite. Une fois habillé, Lou récupéra ses feuilles et quitta son appartement. Il se sentait un petit peu mieux mais pas trop.

Il commença à faire le tour des bars, demandant s’il pouvait leur laisser sa petite annonce, la plupart acceptèrent. Il décida de faire un dernier bar avant de rentrer chez lui, il se stoppa devant l’enseigne d’une brasserie, leva la tête et ferma les yeux, appréciant quelques instants le vent qui chatouillait tous ses sens, qui jouait avec ses cheveux, puis il rentra à l’intérieur. L’air ambiant était frais, les meubles étaient tous pareil, faits d’un bois sombre et massif. Il n’était pas très rempli, l’atmosphère qui y régnait était agréable. Le regard de Lou se posa sur le barman, qui était en train de servir trois clients installés au bar. Lou s’avança vers lui, s’installa entre deux clients et attendit que le barman l’aperçoive, ce qui fut vite fait.

-Que puis-je pour toi, jeune homme ?

-Bonjour, j’aimerais savoir si je pouvais afficher une de mes annonces à votre tableau de comptoir.

-Fais voir ça.

Lou lui tendit, le barman prit sa feuille et commença à la lire à voix haute pour lui même.

-Alors… « JH cherche à poser pour artiste. Déjà coutumier. Appeler Lou entre 16h et 21h ». Y’a un numéro pour téléphoner, c’est bon… C’est toi ce Lou ?

-Oui monsieur.

-Hum… faudra m’expliquer où qu’c’est intéressant de poser pour quelqu’un. Je vais l’afficher pour toi.

-Merci beaucoup.

-Est-ce vraiment la peine d'afficher cette annonce ? Questionna une voix au ton souriant juste à gauche du blond.

Celui-ci eut à peine le temps de se retourner qu'une main se tendait vers lui.

-Nikita Mercier, peintre, à la recherche d'une muse de chair et d'os. Ton prix sera le mien. Partant ?

Sous le choc, Lou ne sut pas trop comment réagir face à cet homme. Son souffle c’était arrêté, son cœur s’était emballé. Cet homme qui lui faisait face était le portrait craché de son fantôme. Lou eut un pincement au cœur lorsqu’il remarqua un petit détail sur cet homme, qui attira sa plus grande attention. Il portait un tour du cou en velours noir, cinq émeraudes et deux anges. Le voilà enfin ce collier qu’il cherchait. Se pouvait-il que cet homme soit bien celui qu’il n’arrêtait pas de voir en rêve ? « Quel nom a-t-il dit ? Mercier ? Après tout, les noms de famille changent avec les mariages… » Pensa-t-il… Lou en était sûr à présent, cet homme était celui qui n’arrêtait pas de le hanter, ou alors il ne comprenait vraiment rien à toute cette histoire.

D’une voix tremblante il répondit à ce Nikita. Ils se mirent d’accord sur le règlement, ainsi que sur le lieu où allait se dérouler cette séance de pose. Ils quittèrent le bar ensemble et marchèrent jusqu’à l’appartement de Nikita, discutant de temps en temps, la présence de Nikita à ses côtés rendait Lou d’une timidité folle.